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04/01/2014

Bénédict et Valentine

Bénédict est le fils adoptif d'un paysan qui a recueilli le rejeton de son frère sans le sou. L'oncle  donc, chérit Bénédict comme son propre enfant, prend grand soin de lui, jusqu'à lui faire faire des études à Paris. L'action du roman doit se situer après l'époque Napoléonienne ; des fils de paysan étudiant à Paris hors contexte séminariste, c'est assez rare encore à cette époque où la noblesse a repris du poil de la bête. Bénédict connaît la musique, chante à merveille, sait accorder un piano et est attiré par l'innocente Valentine de Raimbault  touchée de son côté par la personnalité du jeune homme et son charme certain (elle l'a entendu chanter aux abords de la forêt lorsqu'elle errait sur un sentier un soir de fête où elle avait perdu sa route tel le Grand Meaulnes.) 

  À la faveur de ces divers éléments et grâce aux ruses de Valentine pour que sa mère reçoive convenablement une personne qui a passé des heures à réparer son piano, Bénédict, le fils de paysan est reçu à la table familiale et non pas envoyé à l'office pour boire une boisson fraîche avant de décaniller comme la comtesse l'avait initialement prévu. L'extrait se rapporte au repas auquel a assisté Bénédict :



"Le repas fut court mais enjoué. On passa ensuite sous la charmille pour prendre le café. La marquise était toujours d’assez bonne humeur en sortant de table. De son temps, quelques jeunes femmes dont on tolérait la légèreté en faveur de leur grâces, et peut-être aussi de la diversion que leurs inconvenances apportaient à l’ennui d’une société oisive et blasée, se faisaient fanfaronnes de mauvais ton ; à certains visages l’air mauvais sujet allait bien. Mme de Provence était le noyau d’une coterie féminine qui sablait fort bien le champagne. Un siècle auparavant, Madame, belle-sœur de Louis XIV, bonne et grave Allemande qui n’aimait que les saucisses à l’ail et la soupe à la bière, admirait chez les dames de la cour de France, et surtout chez Mme la duchesse de Berry, la faculté de boire beaucoup sans qu’il y parût, et de supporter à merveille le vin de Constance et le marasquin de Hongrie.

 

La marquise était gaie au dessert. Elle racontait avec cette aisance, ce naturel propre aux gens qui ont vu beaucoup de monde, et qui leur tient lieu d’esprit. Bénédict l’écouta avec surprise. Elle lui parlait une langue qu’il croyait étrangère à sa classe et à son sexe. Elle se servait de mots crus qui ne choquaient pas, tant elle les disait d’un air simple et sans façon. Elle racontait aussi des histoires avec une merveilleuse lucidité de mémoire et une admirable présence d’esprit pour en sauver les situations graveleuses à l’oreille de Valentine. Bénédict levait quelquefois les yeux sur elle avec effroi, et, à l’air paisible de la pauvre enfant, il voyait si clairement qu’elle n’avait pas compris, qu’il se demandait s’il avait compris lui-même, si son imagination n’avait pas été au-delà du vrai sens. Enfin il était confondu étourdi de tant d’usage avec tant de démoralisation, d’un tel mépris des principes joint à un tel respect des convenances. Le monde que la marquise lui peignait était devant lui comme un rêve auquel il refusait de croire.

 

Ils restèrent assez longtemps sous la charmille. Ensuite Bénédict essaya le piano et chanta. Enfin, il se retira assez tard, tout surpris de son intimité avec Valentine, tout ému sans en savoir la cause, mais emplissant son cerveau avec délices de l’image de cette belle et bonne fille, qu’il était impossible de ne pas aimer."

George Sand Valentine

19:42 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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