30/09/2013
Vu hier soir + extrait de l'orgue de titan de George Sand
La Fille de Ryan de David Lean
Un contexte historique très douloureux : la guerre de 14 et celle de l’IRA contre la présence des anglais en Irlande catholique, c’est probablement parce que ce contexte historique est ce qu’il est que l’histoire de couple, apparentée à celle de Madame Bovary de Flaubert, qui s’y déroule a de mon point de vue un peu de mal à intéresser vraiment le spectateur, disons, sensibilisé. Le thème de la mal mariée ne fait pas vraiment le poids, n’est pas à la hauteur des événements de l’histoire avec un grand H. D’aucuns disent « ça pue l’Histoire » lorsqu’elle se fait incontournable, comme c‘est le cas ici, sauf que la grande histoire l’emporte quand même sur la petite quand les personnages sont en porte à faux de cette manière là par rapport à elle. Quand par exemple le personnage de Robert Mitchum déclare à son épouse qui l’a trompé que les autres femmes du village sont odieuses avec elle parce qu’elles sont jalouses d’elle, ça tombe forcément à plat, à la limite de la mesquinerie ; les personnages qui composent le couple se trompent à mon sens jusque dans leur départ ensemble pour l’étranger, j’ai eu de plus la sensation que l’un et l’autre avaient transformé, en mauvais magiciens pour le coup, le village en marécage avant de le quitter à jamais, en raison même de leur manque de panache. Le mari a pris une tournure mièvre et la jeune femme celle de fausse martyre. Les personnages du village par ailleurs manquent quelque peu d'une certaine philosophie instinctive ce qui par conséquent les exposait au rôle de méchantes grenouilles qui leur était imparti. Heureusement il y a la présence forte des paysages grandioses qu‘offre la nature, et pour les sensibles comme moi à la nature, cela rehausse le film du point de vue poétique, ce qui est loin d'être dédaignable.
Extrait de la nouvelle de Georges Sand
« Le bon curé prenait sérieusement son frère pour un grand homme et il ne le grondait pas de ses accès de vanité délirante. Lui-même fêtait le vin de chant-orgue avec l’attendrissement d’un frère qui reçoit les adieux prolongés de son frère bien-aimé ; si bien que le soleil commençait à baisser quand on m’ordonna d’habiller Bibi. Je ne répondrais pas que j’en fusse bien capable. L’hospitalité avait rempli bien souvent mon verre et la politesse m’avait fait un devoir de ne pas le laisser plein. Heureusement le sacristain m’aida, et, après de longs et tendres embrassements, les deux frères baignés de larmes se quittèrent au bas de la colline. Je montai en trébuchant sur l’échine de Bibi.
— Est-ce que, par hasard, monsieur serait ivre ? Dit maître Jean en caressant mes oreilles de sa terrible cravache.
Mais il ne me frappa point. Il avait le bras singulièrement mou et les jambes très lourdes, car on eut beaucoup de peine à équilibrer ses étriers, dont l’un se trouvait alternativement plus long que l’autre.
Je ne sais point ce qui se passa jusqu’à la nuit. Je crois bien que je ronflais tout haut sans que le maître s’en aperçût. Bibi était si raisonnable que j’étais sans inquiétude. Là où il avait passé une fois, il s’en souvenait toujours.
Je m’éveillai en le sentant s’arrêter brusquement et il me sembla que mon ivresse était tout à fait dissipée, car je me rendis fort vite compte de la situation. Maître Jean n’avait point dormi, ou bien il s’était malheureusement réveillé à temps pour contrarier l’instinct de sa monture. Il l’avait engagée dans un faux chemin. Le docile Bibi avait obéi sans résistance ; mais voilà qu’il sentait le terrain manquer devant lui et qu’il se rejetait en arrière pour ne pas se précipiter avec nous dans l’abîme."
09:10 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)
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