Racontars et oreilles qui traînent

Emplettes du vendredi au Centre commercial Auchan. Il fait un peu froid par rapport à la douceur presque estivale d’avant-hier, mais le printemps ne désarme pas, en témoignent les oiseaux toujours allègres et les arbres au verdoiement tenace. Je m’approche nonchalamment de la voiture, poussant le caddy comme un boulet qu’on traîne à contrario, j’aperçois bientôt, presque collées à l’arrière de mon carrosse poussiéreux d’élégantes jeunes filles en pleine conversation. Elles, toujours causant, me regardent arriver vers le véhicule sans s’écarter d’un pouce, j’avais justement envie de sourire, j’en profite en m’exclamant «　Excusez-moi mesdames !　» Elles se bougent gentiment mais de quelques centimètres seulement, absorbées par ce qu’elles ont à se dire. Je peux néanmoins arrimer le caddy, et j’ai suffisamment d’espace pour ouvrir le coffre. Cela fait, je n'ai pas d'autre choix que de laisser traîner mes oreilles sans vergogne, tout en rangeant mes quelques achats en silence tandis que l’une continue la conversation en cours.

— Non mais je le sais, elle dit du mal derrière mon dos ...

Ricanements de confirmation de la part des interlocutrices, la jeune fille reprend :

— l’autre jour je la vois. «　qu’est-ce que t’as … grossi... en quinze jours seulement…　» tu vois ?

Elle glousse pour imiter les manières de la pauvre dénigrée et continue,

«Forcément que j’ai grossi hé grosse conne, j’chuis enceinte ! Non mais, elle, c’est madame «　je fais attention à mon poids.　» «　je mange pas le midi, je mange pas le soir　» De toute façon elle aussi elle est enceinte mais elle veut pas le dire. J’en suis sûre, tu vas voir. Quand je l’ai vue elle était enceinte d’au moins quatre jours. Je le sais. Mais elle le dira pas.

Commentaire vague des autres jeunes filles. Je jette un œil, forcément pas le mauvais, je n’en ai pas de mauvais, et je vois qu’elles sont toutes plutôt mignonnes, d’aspect gracieux. L’une très brune, l’autre, celle qui a traité sa copine de «　grosse conne　»… ostensiblement derrière son dos, une blonde aux yeux verts, joli minois. Je pars ranger le caddy, quand je reviens, les hirondelles se sont envolées… hélas ! Ces quelques lignes pour mémoire.