07/02/2013
Le Médecin volant - Molière
Scène I
Valère. — Hé bien ! Sabine, quel conseil me donneras-tu ?
Sabine — Vraiment, il y a bien des nouvelles. Mon oncle veut résolument que ma cousine épouse Villebrequin, et les affaires sont tellement avancées, que je crois qu’ils eussent été mariés dès aujourd’hui, si vous n’étiez aimé ; mais comme ma cousine m’a confié le secret de l’amour qu’elle vous porte, et que nous nous sommes vues à l’extrémité* par l’avarice de mon vilain oncle, nous nous sommes avisées d’une bonne invention pour différer le mariage. C’est que ma cousine, dès l’heure que je vous parle, contrefait la malade ; et le bon vieillard, qui est assez crédule, m’envoie quérir un médecin. Si vous en pouviez envoyer quelqu’un qui fût de vos bons amis, et qui fût de notre intelligence*, il conseillerait à la malade de prendre l’air à la campagne. Le bonhomme ne manquera pas de faire loger ma cousine à ce pavillon qui est au bout de notre jardin, et par ce moyen vous pourriez l’entretenir à l’insu de notre vieillard, l’épouser, et le laisser pester tout son soûl avec Villebrequin.
Valère. — Mais le moyen de trouver sitôt un médecin à ma poste*, et qui voulût tant hasarder* pour mon service ? Je te le dis franchement, je n’en connais pas un.
Sabine. — Je songe une chose : si vous faisiez habiller votre valet en médecin ? Il n’y a rien de si facile à duper que le bonhomme.
Valère. — C’est un lourdaud qui gâtera tout ; mais il faut s’en servir faute d’autre. Adieu, je le vais chercher. Où diable trouver ce maroufle* à présent ? Mais le voici tout à propos.
extrémité* : dans une situation très difficile
*intelligence : de connivence avec nous
*À ma poste : à ma disposition.
*hasarder : prendre des risques.
*maroufle : rustre.
08:17 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
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