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16/09/2011

Certains jours

Caroline attendait face à son interlocuteur, regardée comme un objet qui éveillerait vaguement la curiosité. 

— Je vous ai vue tout à l’heure, vous vous êtes bien servie en pommes.

— Oh vous savez, moi je suis une « mauraudeuse ». Je viens d’un petit village, l’habitude de la maraude m’est restée.

Vérité dite sur le ton de la blague, mais l'homme se taisant, elle ne sait que répondre de plus à cette observation qui résonne de façon un peu abrupte maintenant, prend des allures de remontrance voilée. S’excuser serait ridicule, les deux pommes cueillies n'étaient même pas mangeables ; elle ne ressent précisément pas grand-chose mais poursuit  :

— Les branches de l’arbre penchaient vers chez vous, je me suis dit que je pouvais prendre une pomme ou deux, on ne vole pas quand les fruits « arrivent » chez le voisin.

— Oui, je suis propriétaire ici. Et les propriétaires d’à côté sont mes cousins. Et là au-dessus, les autres propriétaires, c’est aussi ma famille.

— Ah bon, alors pas de problème.

Ce qui inquiète peu à peu Caroline est ce – Moi-je –, qu’elle a utilisé tout à l’heure, par trop infantile. Un mal être s’insinue doucement. Avoir affirmé cette chose banale à propos d'anciennes habitudes, étrange. L’écho de ses propos lui reviennent en miroir déformant ; en panne d’intuition, elle ne comprend pas très bien où veut en venir le bonhomme. Peut-être est-il en ce moment un peu inconnu à lui-même à son tour, s’étant aperçu de son utilisation à outrance du mot – propriétaire –, comme pour faire montre d'indulgence à l'égard se son hôte. Une hôte qui n'aura ainsi pas à subir les conséquences de ce qu'il semble finalement prendre pour un petit larcin ? Caroline se sent l’esprit éparpillé, l’homme et elle continuent de se parler, "pour dire de", par politesse. Mais les mots justes ne viennent toujours pas. Il se produit le contraire d’une rencontre, un évitement, que les paroles de ces esprits momentanément obtus traduisent. Solitude par manque de recul, à cause de cette impression de sous-entendu qui lui a échappé ou pire : il n’y a rien à comprendre, sinon qu’elle n’est pas la bienvenue en des lieux qui, comble d’absurdité, la laissent indifférente. Absence et faux-semblants, elle voudrait partir mais impossible de laisser en plan une personne qu'elle doit reconduire à domicile. Inaccessible Vivre Ensemble certains jours. 

05:27 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0)

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