16/02/2011
Mon texte du jour : Jeannette et Fauvette
J'ai écrit ce texte à l'instant, je le confie à Regards, mais d'abord une chanson interprétée par Judy Collins :
"Bosser son propre sac sur le dos, et Fauvette qui travaille dans les mêmes conditions dans les couloirs de l'hôpital !" maugréait Jeannette "sans savoir au juste où se trouve le placard à balais, et donc piocher du matériel à la sauvette !"
Comment faire en effet une belle chambre aux patients ainsi, à ces fous malicieux dont l’un a même caché ses excréments, tel un chat mal élevé, sous son vieux pyjama qui a l’air de traîner incidemment par terre. Jeannette se baissa afin de ramasser le vêtement, le sac toujours sur le dos, faute de vestiaire pour les journaliers, et découvrit ce qu’il y avait dessous, le tout sans pelle ! Tourner en rond de cette façon alors qu’elle se sentait des envies de fée du logis, c’était râlant. Elle s’approcha du patient qui souriait dans son lit, se tourna vers ceux qui baguenaudaient dans l'allée centrale de cette grande salle et se sentit néanmoins récompensée de ses efforts, ça n’avait pas été facile de s’infiltrer dans l’hôpital Pitchon. Voir enfin ce genre de patients plus inaccessibles que les animaux du zoo de Vincennes pour le commun des mortels, Jeannette en avait les larmes aux yeux. Fauvette, l'autre espionne, reconnaissable à son sac à dos et au balai qu’elle avait réussi à trouver, vint vers elle.
— "Je vais t’aider pour la chambre, si nous ne réussissons qu’à en faire une, on va se faire virer."
— "Mais pourquoi tout est tellement désorganisé, pourquoi on ne nous indique même pas où sont les placards à balais, bon sang !" se lamenta Jeannette.
— "Parce qu’ils ne nous aiment pas répondit Fauvette, ils se sont débarrassé de tous les employés au ménage parce qu’il y avait pas mal des nôtres parmi eux, c’est pourquoi ils ont pris des journaliers, mais ils ont dû repérer quelque chose à notre niveau, ils ne nous laisseront pas revenir demain si ça continue comme ça.»
A peine avait-elle prononcé ces mots, qu’une armada d’infirmiers envahit la chambre, l’un d’eux déclara sans préambule :
— "C’est fini mesdames, on ne prend plus de journalier à l’hôpital Pitchon. Vous pouvez partir sur le champ, nous prenons en charge le ménage."
— "Voilà comment les institutions deviennent des forteresses, soupira Fauvette en jetant un œil plein de regret au jeune patient qui quêtait un regard.
Les deux dernières espionnes de l’association Alternative thérapeutique quittèrent les lieux immédiatement, sans avoir évidemment besoin de passer par les vestiaires.
Personne hormis le personnel trié sur le volet, ne sait plus depuis, ce qui se passe derrière les murs de l’hôpital Pitchon. Tout avait déjà été insonorisé de sorte que le cri éventuel d’un patient ne puisse être entendu.
Ainsi, le mystère de l’hôpital Pitchon flotte sur la ville, dans les esprits, on imagine les pires choses, surtout en ce qui concerne l’ approvisionnement en patients. Sous l’effet de la peur qu‘avait créé le renvoi définitif des espions, aucune famille digne de ce nom ne confiait plus personne à cet établissement.
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