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29/01/2010

Dernier extrait du Masque de l'araignée

De James Patterson

Régina Hope m’a pris avec elle à l’âge de neuf ans. On avait surnommé Nana Mama La reine de l’espérance. À l’époque, elle exerçait le métier d’institutrice, ici, à Washington. Elle avait la cinquantaine bien sonnée et mon grand-père était mort. Mes trois frères étaient venus en même temps que moi et avaient été pris en charge par des parents jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Moi, je suis toujours resté chez Nana.

J’ai été le plus chanceux. Parfois, Nana Mama se conduisait en super-reine des garces, elle savait très bien ce qui était bon pour moi. Elle avait assez vu de gosses dans mon genre au cours de sa vie, elle avait bien connu mon père, ses bons et ses mauvais côtés, elle avait beaucoup aimé ma mère et la comprenait. Nana Mama était, et est toujours, une fine psychologue. Je l’ai surnommée Nana Mama quand j’avais dix ans. À cette époque, elle était devenue à la fois ma Nana* et ma Mama.

Elle avait croisé les bras sur sa poitrine — une volonté de fer.

— Alex, je me méfie de tes nouveaux rapports amoureux, dit-elle.

— Tu peux me dire pourquoi ?

— Oui, je vais te le dire : d’abord parce que Jezzie est une femme blanche, et que je n’ai aucune confiance dans la plupart des Blancs. J’aimerais bien … mais je ne peux pas. La majorité d’entre eux n’ont aucun respect pour nous. Ils nous regardent en face et nous mentent. C’est leur manière d’agir avec les gens qu’ils ne considèrent pas comme leurs égaux.

— Tu parles comme les révolutionnaires qui prêchent dans la rue. On dirait Farrakhan ou Sonny Carson, lui dis-je.

Et je me suis mis à débarrasser la table, et à emporter les assiettes et l’argenterie pour les empiler dans notre vieil évier de porcelaine.

— Je ne suis pas fière de mes réactions. Mais je ne peux pas non plus m’empêcher de les avoir.

Nana Mama me suivait des yeux.

— Alors, le crime de Jezzie, c'est d'être une femme blanche ?

Nana s'agita sur sa chaise, et chaussa ses lunettes qui pendaient à un cordon qu'elle avait autour du cou.

— Son crime, c'est d'aller avec toi. Elle semble toute prête à te laisser gâcher ta carrière dans la police, et tout ce que tu fais dans le quartier ... tout ce que tu as fait de bien dans ta vie. Et Damon et Jannie.

— Damon et Jannie n'ont pas l'air d'en souffrir, ni même de s'en soucier. Le ton de ma voix commençait à monter tandis que je restais cloué sur place avec une pile d'assiettes sales sur les bras.

Nana abattit la paume de sa main sur le bras en bois de son fauteuil.

— Mais, bon Dieu, Alex, tu te bouches les yeux. Tu es leur soleil, leur Dieu. Damon a peur que tu l'abandonnes.

— Si les gosses sont inquiets, c'est parce que toi, tu les rends inquiets.

Je disais ce que je pensais, ce que je croyais être la vérité.

 Nana Mama se renversa en arrière. Un son frêle s'échappa de sa bouche ... un petit cri d'animal blessé.

— C'est vraiment très méchant de ta part. Je protège ces deux enfants comme je t'ai protégé. J'ai passé ma vie à m'occuper des autres, à en prendre soin. je ne fais jamais de mal à personne, Alex.

— Si, tu viens de me faire du mal, à moi, lui dis-je. Et tu le sais très bien. Tu sais ce que ces deux gosses représentent pour moi.

Nana Mama avait des larmes dans les yeux, mais elle ne céda pas. Elle continuait à me regarder fixement. L'amour que nous avons l'un pour l'autre est un amour dur, qui n'accepte aucun compromis. Il en a toujours été ainsi.

— Je ne souhaite pas que tu viennes t'excuser plus tard, Alex. Peu m'importe que tu te sentes coupable de m'avoir dit ça. Ce qui compte c'est que tu es coupable de tout abandonner pour une liaison qui ne pourra jamais marcher.

Nana Mama se leva, quitta la table et monta à l'étage. Fin de la conversation. Et voilà. Elle s'en tenait à son idée.

Était-il vrai que j'abandonnais tout pour rester chez Jezzie ? Notre liaison était-elle vouée à l'échec ? Je n'en savais rien encore. Il fallait que je le sache par moi-même.

*Nana, diminutif de granny (grand-mère) (N.d.T) 

08:14 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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