02/11/2009
Un petit extrait de Azteca de Gary Jennings
Quimichi veut dire souris et aussi espion. Parmi les esclaves de Motecuzoma il y avait des ressortissants de tous les pays du Monde Unique et il employait les plus dignes de confiance à espionner pour lui dans leur pays d’origine, car ils pouvaient s’infiltrer parmi leurs concitoyens dans un total anonymat. J’avais moi-même joué les espions chez les Totonaca et dans d’autres circonstances, mais je n’étais qu’un homme seul. Les armées de souris de Motecuzoma étaient capables de rapporter bien davantage d’informations.
Quand le premier espion revint, Motecuzoma convoqua le conseil et moi-même pour nous dire que la grande maison flottante des Blancs avait déployé ses ailes et disparu vers l’est. Malgré la déception que me procurait cette nouvelle, j’écoutai la suite du rapport de la souris car elle avait fait du beau travail en regardant, en écoutant et même en surprenant plusieurs conversations traduites.
Le navire avait levé l’ancre avec son équipage plus un homme détaché par Cortés, chargé sans doute de remettre l’or, les présents et le rapport du capitaine au roi Charles. Cet homme était Alonso, cet officier à qui on avait donné Ce-Malinali. Cette estimable fille n’était évidemment pas partie avec lui et elle était immédiatement devenue la concubine de Cortés en même temps que son interprète.
Cortés s’était adressé par son entremise aux Totonaca. Il leur avait dit que le navire reviendrait avec une nomination à un grade supérieur pour lui et il avait anticipé cette promotion en prenant dès à présent le titre de Capitaine général. Toujours dans le but de devancer les ordres de son roi, il avait décidé de changer le nom de Cem-Anahuac, le Monde Unique. La région côtière qu’il avait déjà soumise et toutes les terres qu’il découvrirait par la suite s’appelleraient désormais la Nouvelle-Espagne. Il était clair que Cortés, qu’il soit fou ou incroyablement audacieux ou encore, comme je le supposais, qu’il agisse sur les injonctions de son ambitieux prince, était en train de s’approprier des terres et des peuples qu’il n’avait encore jamais vus et que ces terres dont il réclamait la souveraineté comprenaient aussi la nôtre.
« Si ce n’est pas une déclaration de guerre, Frère Vénéré, dites-moi ce que c’est, s’exclama Cuitlahuac, bouillant de fureur.
— Il n’a pas envoyé de présents de guerre, ni aucun témoignage d’une pareille intention, répondit Motecuzoma sur un ton hésitant.
— Attendrez-vous qu’il vous décharge ses canons dans les oreilles ? répliqua effrontément son frère Cuitlahuac. Vous voyez bien qu’il ignore notre coutume de donner un avertissement. Apprenons-lui les bonnes manières. Envoyons-lui des présents de guerre, puis descendons vers la côte et rejetons cet insupportable fanfaron dans la mer.
— Calme-toi, mon frère, dit Motecuzoma. Pour l’instant, il n’a ennuyé personne en dehors de ces misérables Totonaca. En ce qui me concerne il peut rester sur cette plage toute sa vie, à se pavaner et à se lisser les plumes. Tant qu’il n’entreprendra rien de précis, nous attendrons. »
Extrait de Azteca de Gary Jennings (p.924-925)
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