03/04/2009
Kundera
... "Un formidable exégète
Cette Rencontre s'inaugure non avec un romancier, mais avec un peintre, Francis Bacon, et ses portraits torturés. Quelques pages qui donnent la clef de la notion de rencontre, en évoquant un souvenir des plus troubles. On est à Prague, en 1972. Une jeune fille inquiétée par la police témoigne à Kundera de ses craintes. Face à une angoisse qu'expriment physiquement de fréquents déplacements aux toilettes (non, le romancier ne recule pas devant cette réalité), l'homme qu'il est avoue sans ambages une pulsion de viol (il ne recule pas non plus devant cette réalité). Ce souvenir lui fera comprendre plus tard les toiles violentes de Bacon, et ce qu'il appelle « le geste brutal du peintre ». Kundera est un homme qui prend la réalité vécue au sérieux . Et c'est sur l'intelligence de cette réalité que va se greffer la rencontre avec l'œuvre d'art - sinon, celle-ci n'est plus qu'un loisir culturel. C'est pourquoi aussi il prend l'art au sérieux. La chienne de Céline à l'agonie, le rire de Mychkine, la sexualité vue par D.H. Lawrence et par Philip Roth : non, ce ne sont pas seulement là fictions de romanciers : ce sont les miroirs dont parlait saint Paul, où nous nous verrons enfin tels que nous sommes. L'art, pour aller chercher ce qu'il y a au fond de nous, répète ce « geste brutal » de Bacon, destructeur et reviviscent.
Impossible de reprendre ici tous les chemins ouverts par un formidable exégète, qui ressemble bien sûr au romancier comme un frère jumeau : voir telle méditation sur les rapports réels de la sentimentalité avec la brutalité ; voir tel texte sur Vera Linhartova, autre Tchèque venue vivre à Paris et écrire en français, qui éclaire le thème kundérien de l'exil, voisin de celui de la liberté."
http://www.lefigaro.fr/livres/2009/03/19/03005-20090319AR...
07:44 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
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