01/03/2009
Enquête
"Un tour de monde de la pauvreté et de ses raisons
« Pourquoi êtes-vous pauvre ? » s’ouvre sur une série de récits de rencontres avec des pauvres dans plusieurs parties du monde : Thaïlande ; Yémen ; Russie ; Chine ; Japon, etc. Il y a Sunee, femme sans âge qui oublie son travail et sa vie dans la promiscuité d’un bidonville par le recours forcené à l’alcool. Wan, fantôme mélancolique qui hante les abords d’une gare dans le demi-sommeil d’une vie animale. Natalia à qui une gitane a pris le mari, la fortune et le bonheur, à moins qu’elle ne les ait déjà perdus avant d’être victime du maléfice, etc.
À l’occasion de chacune des rencontres qu’il a pu faire, moyennant finances et services d’un interprète, avec un pauvre et sa famille, Vollmann donne accès à une double dimension de la pauvreté. Sa réalité matérielle, précisément décrite, rapportée à son contexte social, questionnée, y apparaît indissociable de son interprétation mentale ou culturelle par ceux qui la subissent. Cette première partie peut se lire comme tour d’horizon des raisons invoquées pour justifier la pauvreté et au premier rang desquels vient la fatalité, le destin, le karma.
Cette raison, le destin, revient plus souvent que d’autres dans les récits et les paroles capturées. L’auteur montre ainsi les incroyables ressorts moraux que contient cette explication inexplicable du sort. Ce qu’empêche la référence au destin, c’est la vulnérabilité à divers jugements subjectifs au sujet des pauvres. Le destin s’impose comme une évidence parce qu’il fait écran aux jugements sur le mérite, la faute, la culpabilité qui hantent les pauvres comme celui qui parle d’eux. Elle préserve les pauvres qui s’y réfèrent d’une partie de la culpabilité inhérente à leur condition ...
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Les deux parties suivantes reviennent sur les « choix » et les « espoirs », autres dimensions inaperçues de la pauvreté bien que décisives car dire que les pauvres ont des choix, même contraints, c’est les maintenir dans la condition humaine dont ils sont sans cesse exclus, matériellement ou symboliquement. L’ouvrage se termine sur une section intitulée « propriétaires ». L’auteur revient, en acte et en première personne sur le sentiment de culpabilité soulevé par la vision de l’indignité extrême. Le retour sur soi du riche, auteur et lecteur confondus dans une même interpellation, son enfermement sont une donnée élémentaire, indépassable, inhérente à un savoir dépourvu de toute portée transformatrice. Ce dernier chapitre ouvre sur des considérations morales sur le caractère infranchissable des frontières dressées par l’inégalité ; sur l’indécidabilité de ce qui passe d’un riche à un pauvre et d’un pauvre à un riche. Dans le premier sens, quand et comment le riche peut-il savoir qu’il a aidé un pauvre quand il a cherché à le faire ? Dans l’autre, qu’est-ce que le riche a pu comprendre du pauvre, de sa personne : celle-ci a-t-elle été limitée par la pauvreté ; les choix des pauvres auraient-ils été différents s’ils n’avaient pas été pauvres ? ... "
http://laviedesidees.fr/L-ecriture-de-la-pauvrete-selon.h...
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