28/01/2009
Daniel Dennett
« Les "beaux rêves" contre lesquels le philosophe américain de l'esprit Daniel Dennett argumente dans un recueil d'articles éponyme relèvent tous d'intuitions philosophiques profondes et partagées. Ils sont la manière dont nous nous représentons la conscience d'après la manière dont nous sommes conscients. Ainsi ils contaminent les réflexions des philosophes de la conscience et compliquent les travaux des neuroscientifiques. Sous la forme d'expériences de pensée troublantes ou d'objections plus ou moins dirimantes, ils semblent indiquer la limite que le réductionnisme scientifique ne doit pas franchir, à moins de se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine mentale.
Daniel Dennett s'amuse à citer un de ses collègues : "Dennett, c'est le diable." Nul besoin de rien céder. L'approche réductionniste et fonctionnaliste de la conscience est la bonne. Elle est pour lui métaphysiquement suffisante.
Les sciences de l'esprit, qui ont tout conquis, devraient-elle échouer à conquérir la conscience (à moins qu'il ne leur faille engager dans la bataille des forces gigantesques – on pense à la neurologie quantique naguère soutenue par Penrose) ? Dennett ne le pense pas. Il prête un certain nombre de rêves à ses collègues, nombreux, qui entendent faire de la conscience la "question difficile" de la philosophie de l'esprit.
Premier rêve : la conscience n'est pas un moulin
La conscience est compliquée, subtile, difficile. Et l'on en conclut : irréductible à une machine. Rien qui ne perçoive dans un moulin, constate Leibniz, et il ajoute que "si l'on ne peut concevoir comment naît la perception dans une machine grossière, qu'elle soit composée de fluides ou de solides, on ne le peut non plus d'une machine plus subtile, car même si nos sens étaient plus subtils, tout se passerait comme si nous percevions une machine plus grossière". Appelons cerveau cette machine délicate et scanner ces sens affinés l'objection semble efficace.
Peut-on lui répliquer en dotant les rouages individuels de propriétés physiques inédites, les neurones d'une chimie de la conscience inconnue ? Le philosophe David Chalmers pense ainsi qu'une théorie de la conscience doit "prendre l'expérience elle-même comme un trait fondamental du monde, au même titre que la masse, la charge et l'espace-temps".
C'est une thèse séduisante, mais obscure : l'expérience est-elle propre à chaque neurone, et si oui comment se transmet-elle, de neurones en neurones, par des circuits classiques, pour former une super-expérience ?
Pour Dennett, l'approche fonctionnaliste est largement préférable. Qu'importe le comment, seul compte le résultat : l'habit fait le moine. Plus quelque chose ressemble à de la conscience, plus il a de chance d'être de la conscience.
Second rêve : les êtres conscients ont ce "je ne sais quoi" qui les sépare de leurs zombis indiscernables
Pour nombre de philosophes, quelque chose peut parfaitement ressembler à une conscience, mais ne pas en être une. Quelque chose peut réagir comme une conscience, et ne pas être conscient, tel un zombi qui sait marcher sans savoir ce que c'est que marcher. Cette distinction entre zombis et non-zombis est une expérience de pensée très répandue parmi les philosophes de l'esprit. Admettre qu'à comportement égal, cela fait une différence d'être conscient ou non, est une manière de réfuter le fonctionnalisme. Qui dirait le contraire ? Thomas Nagel a ainsi soutenu qu'on pouvait tout savoir de la manière dont une chauve-souris pense et perçoit le monde, mais qu'on ne saura jamais quel effet ça fait d'être une chauve-souris.
Mais si le zombi et le non-zombi adoptent toujours le même comportement, s'ils sont en tout point indiscernables, comment soutenir que l'un est conscient, l'autre non ? Par où passe la différence entre eux ? Dans quelle dimension non-physique diffèrent-ils ? Le zombiste est tenté de répondre : l'un est doté d'un point de vue sur ses propres processus, l'autre non. »
http://penser.over-blog.org/article-22893563.html
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