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09/09/2008

La déraison financière

Extrait de l'article "faire face à la déraison financière" dans la rubrique Débats du journal Le Monde du Samedi 6 septembre 2008 :

… 

« Dernier trait saillant de la finance globale : son extrême concentration autour d’une caste qui s’approprie une part considérable de la richesse mondiale. Le dernier rapport Capgemini et Merill Lynch sur la richesse mondiale et sa répartition (de juin 2008) montre que 95 000 personnes dans le monde possédaient chacune en 2006 un patrimoine supérieur - et pour certains très supérieur - à 30 millions de dollars. Le montant total de leur richesse s’élevait à 13,1 TS, soit plus du quart de la richesse produite dans le monde durant toute l’année 2006.

 

Un fossé entre la sphère financière et la sphère productive, une finance globale à la dérive et en proie à la spéculation, un oligopole de grandes banques devenu facteur d’instabilité et une « élite » financière qui crée d’immenses inégalités : tel est l’un des germes de l’instabilité de l’économie globalisée.

 

Que faire alors ? Face à une finance globale qui s’est libérée des contraintes, il faut rétablir un contre-pouvoir global à travers un nouveau système de régulation, à légitimité incontestable.

 

Bien public mondial

 

Dans ce système, la transparence et l’information financière devront être considérées comme une exigence publique mondiale. Par leur action à contretemps, les agences de notation ont joué un rôle néfaste dans le déroulement de la crise. Leur régulation par la communauté internationale est nécessaire. Nous proposons que cette régulation soit assurée par le FMI, avec l’appui d’un organe de règlement des conflits financiers.

Toute aussi décisive, une identification beaucoup plus large des porteurs de risques avec une information sur leur portefeuille, accroîtrait la transparence souhaitée partout. Au sein de l’Europe, il faut soutenir la position allemande qui, au sein du G8, réclame la clarté pour l’activité des hedge funds. Mais il faut aller plus loin. La présidence française de l’Union européenne devrait exiger cette transparence pour toutes les opérations des grands groupes bancaires internationaux réalisés dans les paradis fiscaux, que ces opérations relèvent des hedge funds contrôlés par ces banques, ou bien des sociétés transformant des crédits en titres dont-elles sont les conseils.

Plus fondamentalement et progressivement, la monnaie devrait être considérée comme un bien public mondial et mise au centre de la nouvelle régulation. Par leurs montants considérables, les émissions monétaires sont devenues indissociables des logiques financières, comme la crise actuelle l’a montré amplement. Mais, on l’a vu, il faut porter remède à la distorsion, immense, creusée au fil des ans, entre la sphère financière et la sphère productive.

Pour aller vers un dimensionnement plus raisonnable d’une finance aujourd’hui hypertrophiée, une fusion entre le FMI et la Banque des règlements internationaux (BRI) pourrait consacrer le nouveau rôle qu’il faudrait confier à la monnaie. Les premiers ingrédients d’une monnaie internationale seraient ainsi posés, tant du point de vue de sa circulation (taux de change) que de sa rémunération quand elle est prêtée (taux d’intérêt).

Avec cette dernière réforme, les éléments d’une fiscalité sur les mouvements des capitaux seraient enfin réunis, permettant de taxer les dérives spéculatives, mais aussi de financer des projets pouvant répondre aux enjeux environnementaux de notre planète, aux défis du développement durable, ou encore aux inégalités et à la pauvreté dans le monde. »

Lionel Jospin

Ancien premier ministre

 

Le Monde (6 septembre 2008)

 

 

 

 

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