21/06/2008
Interview de Jean Genet
Revenons à votre choix de la langue classique. Pourquoi?
Avant de dire des choses si singulières, si particulières, je ne pouvais les dire que dans un langage connu de la classe dominante, il fallait que ceux que j'appelle " mes tortionnaires " m'entendent. Donc il fallait les agresser dans leur langue. En argot ils ne m'auraient pas écouté. Il y a autre chose aussi. La langue française est fixe, elle a été fixée au dix-septième siècle à peu près. L'argot est en évolution. L'argot est mobile. L'argot utilisé par Céline se démode, il est déjà démodé.
Mais vous êtes beaucoup plus subversif que Céline. Céline dit aux tortionnaires : "tout est de la merde", ça les arrange ce nihilisme. Alors que vous, vous dites : "on vous mettra dans la merde" ; il y a de la révolte chez vous, alors que chez lui il y a une espèce d'accablement et de geignardise. C'est beaucoup plus insupportable aux "tortionnaires" ce que vous dites.
Les vrais tortionnaires, en réalité, ne me lisent pas.
Pourtant, ils vous craignent. ils savent que vous êtes là.
Ils s'en foutent, ils s'en foutent. Non, il ne faut pas exagérer l'importance de ça.
Pouvez-vous donner un exemple de votre choix grammatical ?
La première phrase du premier livre que j'ai écrit commence ainsi : "Weidmann vous apparut." Le correcteur d'imprimerie m'a demandé de corriger en remplaçant "vous" par "nous". C'est "Weidmann nous apparut" n'est-ce pas, m'a-t-il dit. J'ai tenu à ce qu'on conserve "vous apparut", parce que je marquais déjà la différence entre vous à qui je parle et le moi qui vous parle.
Vous preniez vos distances ?
Je prenais mes distances mais en respectant les règles, vos règles.
Interview intégral
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