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31/08/2007

cogito

"Comment expliquer raisonnablement à des enfants les interdits fondamentaux du meurtre, de l’inceste ou du vol ? Ces tentations positivistes reviennent à occulter la part irréductible de transcendance que recèlent toute règle et toute valeur ». Ainsi donc, expliquer à des enfants qu’il ne faut ni tuer ni voler excéderait les pouvoirs de la raison et exigerait qu’à l’exercice de celle-ci on substituât l’invocation de la transcendance ? Si la part irréductible de transcendance que recèle la loi morale ne désigne pas la transcendance de la raison par rapport à la nature, s’il s’agit d’un principe extérieur et supérieur à la raison humaine, on voit mal ce que ce pourrait être d’autre que le Verbe divin : faut-il alors, fondant la morale sur la religion, expliquer aux élèves des « banlieues » que s’il ne faut ni tuer ni voler, c’est parce que la volonté de Dieu s’y oppose ? Outre que l’usage d’un tel argument semble difficilement compatible avec les exigences de la laïcité, fût-elle « ouverte », on peut douter qu’il s’avère d’une redoutable efficacité auprès de ceux auxquels il s’adresserait…
Un peu plus loin, les auteurs d’Oser éduquer s’en prennent à nouveau à « ceux qui prétendent que l’école ne doit pas ou plus éduquer, qui prétendent fonder l’école de demain sur la seule raison par l’instruction » et ils proclament : « Les savoirs et les savoir-faire ne peuvent suffire à construire la cohésion sociale. Le sens moral, l’adhésion à des valeurs partagées et les qualités de cœur sont tout autant nécessaires que la raison pour refonder sans cesse, génération après génération, une société solidaire et fraternelle ». Après la transcendance, voilà le cœur, les bons sentiments et l’enthousiasme fédérateur qui sont convoqués pour suppléer à la raison défaillante : de Condorcet à Philippe Meirieu, et retour à Rabaut Saint-Etienne ! Il est vrai qu’un peu plus haut la raison avait été un court instant rétablie dans ses droits puisqu’on pouvait lire : « Dans notre tradition qui est celle des Lumières, c’est par l’éducation – et non par le sang de la race ou le sol de la mère-patrie – que se transmet l’identité nationale, et c’est par un mouvement de la raison que l’on choisit d’adhérer aux valeurs qui la fondent ». Incohérence peut-être imputable à ce qu’il s’agit d’un texte écrit à cinq mains, ce qui tendrait à prouver que le travail d’équipe n’a pas toutes les vertus qu’on lui prête…

Il s’agissait de savoir si la fin de l’École était d’éduquer ou d’instruire. De ce qui précède on sera en droit de déduire que, même si cette double responsabilité lui incombe, il importe de lui reconnaître au premier chef la charge d’instruire. D’une part parce qu’elle doit d’abord assumer la tâche qu’elle seule est capable d’accomplir et que nulle autre institution n’accomplira à sa place si elle la néglige. Mais aussi et plus profondément peut-être parce que, s’il est possible d’éduquer sans instruire, ce que des générations de parents illettrés ont fait, l’inverse n’est pas vrai : il y a dans l’instruction comprise en sa vérité une dimension éducative. L’École qui instruit est en effet le lieu où les esprits apprennent à se libérer de toutes les puissances et de toutes les contraintes en se soumettant librement à la seule puissance de la raison et à la seule contrainte de la vérité : quoi de plus éducatif que de s’accoutumer à subordonner ses passions, ses désirs, ses intérêts, ses préjugés, toutes ces pensées qui nous flattent ou nous arrangent, à l’exigence du vrai ? Et celle-ci n’est-elle pas la valeur qui fonde toutes les autres ? Dissociée de l’idée de vérité, la distinction du bien et du mal se réduit à celle de l’utile et du nuisible, de ce qui est momentanément avantageux ou désavantageux, voilà ce que nous savons depuis vingt-cinq siècles. Sur quoi les hommes, par-delà leurs singularités et leurs différences, pourraient-ils bien s’accorder si ce n’est sur ce qui vaut indépendamment de la singularité de chacun, c’est-à-dire sur ce que tous peuvent, à l’horizon de leur réflexion, reconnaître comme vrai ? Le principe vrai d’une communauté fraternelle, c’est l’égalité des uns et des autres devant la vérité, que nul ne possède, mais aux exigences de laquelle tous sont disposés, si l’École les y dispose, à se soumettre."

A. Perrin

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"Le grand obstacle, c’est toujours la représentation et non la réalité. La réalité, on la prend en charge avec toute la souffrance, toutes les difficultés qui s’y attachent - on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules et c’est en la portant que l’on accroît son endurance. Mais la représentation de la souffrance - qui n’est pas la souffrance, car celle-ci est féconde, et peut vous rendre la vie précieuse- il faut la briser. Et en brisant ces représentations qui emprisonnent la vie derrière leurs grilles, on libère en soi-même la vie réelle avec toutes ses forces, et l’on devient capable de supporter la souffrance réelle, dans sa propre vie et dans celle de l’humanité. » Etty HILLESUM (Une vie bouleversée – Tuée à Auschwitz le 30/11/1943)"

Mon commentaire : Je ne pense pas que la souffrance soit toujours féconde, mais se représenter les choses et/ou "certaines personnes" comme elles ne sont pas, n’étant source que de désagréments pour mieux les rejeter est certes complètement stérile! Ceux qui refusent la différence n’obéissent qu’à la peur ou sont d'orgueilleux égocentrés. Le nazisme est la tragique illustration de cette intolérance.  

 

07:30 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)

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