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26/10/2016

la minute enfance : histoire des miroirs déformants, du crapaud et du lotus

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Il était une fois, un beau crapaud gris qui ne pouvait se mirer dans l'eau de sa mare tant elle  le confondait dans son gris du même ton.  Il se regardait seulement de ce fait,  dans les yeux de crapaudes mal intentionnées  qui lui envoyaient à tous les coups un reflet de lui déformé. Dans le doute malgré tout, il demanda un jour à l'une d'elles si réellement il avait tant de défauts qu'elles le prétendaient  ou si elles prenaient un malin plaisir à le caricaturer.  La singulière courtisane lui répondit " Préféreriez-vous des flatteries, mon compère ? Ce n'est point que nous soyons mal lunée, acceptez-vous tel que vous êtes, apprenez à vous aimer, soyez en un mot à la hauteur de votre laideur !"

Un lotus se trouvait dans le voisinage et entendit cette conversation embrouillée ; il resplendissait comme à son ordinaire dans la grisaille des eaux quand le crapaud tourna vers lui ses yeux gentiment globuleux. Émue,  le lotus lui dit  "Si je n'étais coincée ici, je me marierais bien avec vous quant à moi, votre laideur me va car à vrai dire, je ne la trouve pas si laide ... Si vous voulez tout savoir, je vous trouve beau, voilà." finit-il par balbutier

 

"Ne me prenez pas pour une bille, allez... la crapaude doit avoir raison... mais je lui revaudrai ça... car comme vous, elle aurait pu faire preuve d'un minimum d'hypocrisie chaleureuse... bien intentionnée je veux dire. Me suivez-vous ?"

 

"Je le ferais volontiers si ma nature n'était pas de rester dans cette eau, dont je suis en quelque sorte la lampe par vocation. Sans moi des mauvais esprits pourraient s'accaparer des grenouilles étourdies.... et j'aime trop ces nymphes pour ..."

 

"Ne faites pas l'idiote ! me suivez-vous quand je vous parle d'hypocrisie chaleureuse vous concernant, Lotus, bien que vous soyez blanche ?"

 

 

"Auriez-vous des a-priori contre cette couleur, Crapaud ? Je vois bien par là que les regrets que j'ai exprimés quant au fait de ne pouvoir vous suivre vous ont laissé froid."

 

"Je suis froid de nature et pas de vocation.  Mais vous ne répondez toujours pas à ma question !"

 

"Eh bien non, je ne suis pas hypocrite par Hypocrate !... J'ai aussi comme qualité de garder les secrets des eaux, leurs humeurs ne m'affectent guère,  possédant une équanimité à toute épreuve, laquelle m'interdit l'hypocrisie si chaleureuse et bien intentionnée fût-elle, ainsi et seulement ainsi, je resplendis toujours... je vous vois beau,  c'est tout.... parce que vous m'êtes sympathique sans doute, et si touchant ! parfois quand vous m'éclaboussez je frissonne de joie, c'est pour cela que je vous vois à ma façon."

 

 

"Avez-vous remarqué que l'eau envoie clairement votre reflet et pas le mien ?" dit le crapaud, soudain inquiet.

 

"C'est que vous êtes gris comme elle, ne lui demandez pas l'impossible, non plus  ! Dégrisez-vous plutôt, et vous verrez..."

 

"Ces cafouillis de jeux de mots à la noix ne sont pas de votre niveau... cela dit pourtant, si je prends ce que vous dites à la lettre, comment faire ?"

 

" Pour vous dégriser ?  Pourquoi n'avez vous jamais capté votre reflet en moi par exemple ? Je vous réponds de suite sans détours : par inattention... négligence de ma personne. Dégrisez-vous du mépris envoûtant de la haine et reflétez-vous en moi... voyez, en ce moment, je vous aime tant que je suis tout entière votre reflet !"

 

Le crapaud, regardant le lotus de ses gros yeux amoureux se vit alors :  en gris lumineux,  resplendissant.

 

Il s'était mis à aimer comme par magie le gris, le blanc,  les nymphes vertes et transparentes, les cristallines et les noires,   la mare entière, et plus loin encore les ombres dansantes des feuillages ... !