Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2014

en quelques jours d'intervalle

Vendredi je fais les courses au grand super marché, de bon matin à l'ouverture. Sur l'étal consacré à l'exposition des poulets, aucune viande en vue, mais une sympathique employée s'active derrière la table vide. Je lui adresse un sourire que je garde timide afin de n'être pas intimidante, avant de lui poser cette intéressante question "Pas de poulet aujourd'hui ?" la femme arrête de passer le chiffon, me considère, pousse un profond soupir, elle sait que mon intention est seulement de m'informer, mais affecte d'être irritée (c'est vrai que ma question pouvait avoir un aspect agaçant, car il n'y avait rien de toute évidence sur l'étal mais il fallait que je sache à quoi m'en tenir)  elle déclare enfin d'un ton effectivement agacé : "Vous savez nous venons d'avoir une réunion syndicale, alors nous sommes un peu en retard." et re, gros soupir. "Pas grave lui répondis-je aussitôt, c'est juste pour savoir si je peux repasser tout à l'heure." "C'est ça Madame, repassez tout à l'heure, madame." conclut-elle sur le mode un brin effronté de l'émission "là-bas si j'y suis". Elle me rappelle vaguement physiquement Madame "On n'frait pas ça tous les jours", qui glissait dans la publicité de tout son long sur huit mètres de table afin de peaufiner le cirage du meuble... la télé, avec son cynisme récurrent fabrique des aigris, dont je suis parfois, non mais. Je ne lui en veux pas à cette  dame pour le coup de mou, ne  vivons-nous pas dans un monde de brutes... mais enfin j'eus aimé qu'elle me reconnaisse en tant que personne fraternelle, ne suis-je pas moi-même Bécassine quand cela me prend ? Bref, lundi après-midi : re courses dans le même magasin. J'attends mon tour à la caisse et assiste à une légère altercation entre la caissière et un couple de vieux maigrichons très mécontents "Vous savez Madame, le handicap, ça ne se voit pas toujours de l'extérieur, lui disent-ils. Lui est cardiaque et moi très handicapée du dos... et vous savez l'on m'a dit qu'en tant que clients nous pouvions nous plaindre au bureau du directeur. Nous pouvons le faire, madame !" "Ah! mais je ne vous ai obligés à rien du tout, monsieur dame, riposte la caissière, c'était juste une proposition, je ne vous ai obligés à rien du tout ! C'est bon, c'est bon! Pas de soucis !" Le couple de chercher ma complicité par des petits regards furtifs et appuyés, moi de leur adresser un sourire volontairement coincé pour l'occasion, en adressant un du même tonneau à l'employée.. résolument neutre dans l'ignorance et puis, ça va comme ça, la pression. Le couple maugrée encore un peu, s'en va enfin pour se poster à un mètre de la caisse et vérifier méticuleusement la facture. C'est mon tour je salue la caissière et lui glisse sur un ton amusé  "vous avez commis un impair il me semble."  Deux secondes de réflexion plus tard et mon charisme aidant,  la dame me confie cette chose qui n'a rien d'un secret, je peux en faire état ici : "Je ne sais pas ce qui m'a pris, d'habitude je ne dis rien, mais là je venais d'avoir une réunion syndicale, j'étais encore là-dedans, ils nous ont dit de dire aux clients de montrer leurs sacs, j'avais encore cela en tête et j'ai dit à ces gens qu'ils pourraient la prochaine fois présenter leurs sacs ouverts, les sacs au fond du caddy ; ils l'ont mal pris... et voyez, ils sont encore là. Vous croyez que je vais m'en sortir ?"

 Le couple vérifiait encore et encore, presque à la loupe, la facture, tout en marmonnant. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs ! Cherchez l'erreur.      

17:08 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

Paul Féval et la nature humaine

La perception de Paul Féval quant à la nature humaine ne doit pas l'incliner à l'optimisme.... l'homme est souvent un animal antipathique dans ses récits mais il y a lieu d'espérer car il  dévoile à ses lecteurs des cœurs humains exceptionnels ... si bien que son feuilleton pourrait s'intituler, au regard de quelques personnages,  Lumière, chaleur,   et... beauté ?  de cette beauté que donnent alors la chaleur et la lumière.  J'ai lu avec attention le passage où Échalot et Similor, (le premier, papa adoptif du bébé Saladin, le deuxième, père biologique de ce dernier) en viennent aux mains et combattent, pour l'un d'eux, à mort. Des deux facettes de Don Quichotte  celle de l'impulsif Similor aurait pu l'emporter, n'ait été l'intervention de Maman Léo qui n'eut qu'à attraper par la peau du cou le père biologique pour régler en un tour de main, à la faveur d'une poigne exceptionnelle, une affaire qui était mal partie pour Échalot.   Echalot et Maman Léo apportent un peu de cette  chaleur que j'ai mentionnée, dans un monde d'abrutis ou de prisonniers misérables se sentant acculés à servir les commanditaires d'homicides en raison de la condition qu'ils subissent, sans que cela soit une justification. Nous descendons dans les profondeurs abyssales avec, par exemple, M. Constant  et ses co-équipiers du crime qui ne tarderont pas à s'entretuer pour décrocher le pactole, on le devine, vu la logique infernale et ahurissante dans laquelle ils se laissent prendre. Ce M. Constant, alors qu'il s'apprête à tendre à deux tourtereaux le piège fatal de la célébration de leur mariage, organisée par ses soins et ceux de ses complices dans le but d'en profiter pour les trucider l'un et l'autre du fait "tout simplement" qu'ils sont des témoins gênants, s'adresse à sa victime en ces termes :

 — Votre petit voyage d'hier ne vous a pas trop fatiguée. Écoutez, c'est trop drôle, vous vous cachez du docteur et des autres, le docteur et les autres se cachent de nous, et tout le monde sait à quoi s'en tenir. Il n'y a pas de danger qu'on vous trahisse, allez ! ma chère demoiselle, vous êtes bien trop aimée pour cela, et ça me fait plaisir de penser que c'est moi qui vous ai amené cette brave femme, maman Samayoux, dont la présence vous a autant dire ressuscitée.

 

— Je vous en suis reconnaissante, prononça tout bas Valentine.

 

— Je n'en sais trop rien, répliqua M. Constant, je n'oserais pas dire comme le colonel : "Drôle de fillette !" mais il est sûr que vous ne ressemblez pas aux autres demoiselles. Enfin, n'importe ! on vous aime comme ça, et il n'y a pas jusqu'à ce dogue de Roblot qui ne vous lèche les mains comme un caniche. Voici mon ordonnance : plus de remèdes, levez-vous quand vous voudrez, mangez ce que vous voudrez, et quand vous aurez la clef des champs, souvenez-vous un petit peu d'un pauvre apprenti médecin qui s'est mis en quatre de tout son cœur pour vous être agréable.

 

C'étaient là de ces choses qui entretenaient vaguement l'espoir de Valentine. Les gens qui l'entouraient semblaient réellement ne point jouer au plus fin avec elle.

 

Mais, d'un autre côté, le danger, qui était sa vie même depuis quelque temps, avait développé en elle une finesse extraordinaire de perception intellectuelle.

 

Les chasseurs du désert voient et entendent, dit-on, à des distances incroyables  ; on avait beau faire la nuit plus profonde autour de Valentine et pousser l'art de tromper jusqu'aux suprêmes limites de la perfection, elle devinait, laissant son va-tout sur table, et prête à choisir entre les mille probabilités contraires la chance unique que son courage, avec l'aide de Dieu, pouvait lui rendre profitable.

 

Vers trois heures de l'après-midi, Mme la marquise d'Ornans, émue et bien triste, vint lui dire qu'il était temps de se préparer.

 

La marquise la trouva habillée pour un voyage, bien plus que pour une noce, et demi-couchée sur son canapé où elle songeait.

 

— Depuis six semaines, je n'ai pas dormi une nuit tranquille ; pense donc à ce qui nous est arrivé, ma pauvre enfant ! dieu merci, te voilà bien mieux, tu es calme, ton intelligence est revenue mais sommes-nous donc pour cela au bout de nos peines ?

 

Valentine baissa les yeux ; il y avait une réponse navrante dans l'amertume de son sourire.

 

Mais Mme d'Ornans ne pouvait comprendre ce silence ; elle poursuivit :

 

— Maintenant que tu raisonnes, tu dois te rendre compte de bien des choses : j'ai accepté une lourde responsabilité en consentant à ce mariage. Mon excuse est dans la tendresse sans borne que j'ai pour toi, chérie ;  il fallait que ce malheureux jeune homme fût sauvé, puisque tu serais morte de sa mort ; toute autre considération s'est effacée à mes yeux. Je pensais à vous deux jour et nuit, et je me suis dit  :  " Quand Maurice sera délivré, il quittera la France, elle voudra le suivre et tout ce qu'elle veut il faut que je le veuille ; mon devoir est à tout le moins de régulariser autant que possible cette situation..."

 

Paul Féval

 

 

 

  

 

 

10:03 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)